
Kwame Nkrumah n’était pas seulement le premier président du Ghana. Il était le symbole d’une Afrique qui refusait de plier l’échine.
Visionnaire, stratège et orateur de génie, il a porté le rêve panafricain au plus haut… avant de voir ce rêve brisé par des forces extérieures et intérieures.
Né en 1909 à Nkroful, dans la colonie britannique de Côte-de-l’Or, Kwame Nkrumah est fils d’artisan.
Dans un pays dominé par l’élite coloniale, il obtient pourtant l’opportunité rare d’intégrer l’Achimoto School, une institution prestigieuse.
Après quelques années comme instituteur, il part en 1935 pour les États-Unis. Là-bas, il cumule les petits boulots pour financer ses études à l’Université Lincoln et à l’Université de Pennsylvanie. Mais surtout, il s’imprègne d’idées nouvelles : nationalisme noir, socialisme, lutte anti-impérialiste. Ses rencontres avec des figures comme Marcus Garvey et C.L.R. James forgent sa conviction : l’Afrique doit appartenir aux Africains.
A lire aussi : CONAKRY : Capitale de la Republique de Guinee est la ville de la semaine
En 1947, il rentre au pays et devient secrétaire général de l’UGCC (United Gold Coast Convention). Mais il juge ses dirigeants trop modérés. Il fonde alors le Convention People’s Party (CPP) avec un mot d’ordre clair : « Indépendance immédiate ».
La mobilisation populaire est massive : grèves, manifestations, campagnes d’éducation politique. Les colons répliquent par la prison. Mais en 1951, Nkrumah est élu Premier ministre depuis sa cellule.
Le 6 mars 1957, la Côte-de-l’Or devient le Ghana, premier pays d’Afrique subsaharienne à obtenir son indépendance. Nkrumah déclare : « L’indépendance du Ghana est dépourvue de sens si elle n’est pas liée à la libération totale de l’Afrique. »
Il se lance alors dans un projet titanesque : unifier politiquement et économiquement le continent.
Nkrumah milite pour les États-Unis d’Afrique. Il aide Sékou Touré en Guinée, soutient Patrice Lumumba au Congo, crée l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1963. Il plaide pour une monnaie unique, une armée commune et une diplomatie unifiée.
A lire aussi : Ghana : AngloGold annonce un projet d’expansion de 500 millions USD sur la mine d’Obuasi
Il investit massivement dans l’éducation, la santé, l’industrie, les infrastructures (barrage d’Akosombo). L’école devient gratuite, le droit de vote est accordé aux femmes, les syndicats se renforcent.
Son autoritarisme grandit : parti unique, censure, répression des opposants. Ses grands projets coûtent cher, le pays s’endette, et les puissances occidentales voient d’un mauvais œil son alignement avec l’URSS.
Le 24 février 1966, alors qu’il est en voyage officiel en Chine et au Vietnam, un coup d’État militaire, soutenu par la CIA et le MI6, renverse son régime.
Nkrumah trouve refuge en Guinée, où Sékou Touré le nomme « président honoraire ». Il continue d’écrire, appelant à l’unité africaine jusqu’à sa mort en 1972 à Bucarest, en exil.
Aujourd’hui, il reste une icône : héros pour les uns, autocrate pour les autres. Mais tous reconnaissent qu’il a porté la vision d’une Afrique libre, digne et unie.
Kwame Nkrumah a prouvé qu’un seul homme, avec des idées et une détermination inébranlable, pouvait réveiller un continent. Mais il a aussi montré que la liberté se gagne, se défend… et peut se perdre si elle n’est pas protégée.
Son message reste brûlant d’actualité : « Divisée, l’Afrique sera faible. Unie, elle sera invincible. »


